Accueil Les interviews de Mercator-Publicitor /B_art6> RGPD, Smart Data : faire de l’hospitalité de marque un enjeu de relation client durable
Les interviews de Mercator-Publicitor
Entre la marque et le consommateur, la relation n’a, aujourd’hui encore, rien de conversationnel. La marque continue de dicter et le consommateur de subir. Au lieu d’être à l’écoute et de porter attention aux besoins de ses clients, la marque exploite ses données au sein d’un processus normé et le plus souvent déconnecté des objectifs des clients. C’est tout le contraire de l’hospitalité ! Le client n’est pas accueilli par la marque comme un hôte, mais comme une proie qu’on dépouille de ses données. Pourtant les technologies ont rendu les consommateurs plus matures et conscients de leurs besoins et de ce qu’on veut leur vendre : ils savent trouver l’information et discerner les offres des marques grâce aux moteurs de recherche, aux avis d’experts, etc. Dès lors, la pérennité de la marque réside dans sa capacité à inverser totalement son mode relationnel, de chasseur elle doit se faire gibier et se laisser capturer par les clients. L’objectif d’une marque est d’être la proie la plus attractive pour les consommateurs et pour ce faire, elle n’a pas d’autre choix que d’être la plus hospitalière possible. Rencontre avec Georges-Edouard Dias, cofondateur et Chief Strategy Officer de Quantstreams. Georges-Edouard Dias fut également Chief Digital Officer de L’Oréal de 1995 à 2013.
Georges-Édouard Dias : L’hospitalité des marques repose sur trois valeurs essentielles :
la bienveillance, c’est-à-dire la capacité de donner avant de recevoir,
l’humanité, c’est-à-dire la volonté de privilégier l’humain dans le relationnel
et l’intimité, qui est l’aptitude à transformer ses clients en ambassadeurs de la marque.
Aujourd’hui, les meilleurs atouts d’une marque qui souhaite se développer et générer une croissance durable de ses ventes et de ses profits sont :
sa légitimité à susciter des échanges autour de son cœur de métier (Conversation),
son intelligence à les analyser (Curation),
sa capacité à apporter des réponses adaptées aux besoins exprimés (Customisation)
et, finalement, son empathie relationnelle, propre à mettre le client en résonance avec la marque (Communion).
Ces atouts sont au cœur d’une véritable démarche d’hospitalité, ils précèdent dorénavant la mise en avant de la simple « qualité des produits » disponibles au catalogue, qui était autrefois le principal fer de lance des entreprises.
Georges-Édouard Dias : Il n’y a qu’une seule réalité qui vaille sur la donnée : la donnée appartient à celui qui l’émet, donc généralement au consommateur et, éventuellement, à celui qui la transforme pour l’enrichir, la marque. Or, dans la chaîne de valeur actuelle, la donnée est d’abord capturée par la marque pour être ensuite confisquée à des fins d’activation par les GAFA (57% des données en Europe « s’évadent » vers les États-Unis), lorsqu’elle n’a pas été directement prélevée à la source au travers d’interfaces connectées. Si l’on croit que la donnée est l’or noir du XXIe siècle, il est temps de rendre à César ce qui appartient à César et de faire des consommateurs comme des marques qui les servent les cobénéficiaires de la valeur qu’ils génèrent par leurs données. C’est d’ailleurs l’esprit du Règlement européen sur la Protection des données (la GDPR – General Data Protection Regulation), applicable dans tous les pays de l’Union européenne à compter du 25 mai 2018. C’est une chance pour les entreprises européennes qui vont pouvoir, en coexploitant avec leurs consommateurs les données, générer une croissance qui devrait contribuer à plus de 200 milliards d’euros par an de PNB supplémentaire en Europe. 73% des consommateurs européens trouvent que les marques collectent trop de données à leur insu, et surtout sans contrepartie. Or une marque hospitalière pour ses consommateurs l’est également pour leurs données. Elle met à leur disposition les données personnelles qu’elle collecte en toute transparence et leur permet de les partager comme bon leur semble, y compris au-delà des frontières de la marque : ainsi les consommateurs peuvent-ils par eux-mêmes valoriser leurs propres données. Le comble de l’hospitalité, c’est de permettre au consommateur de se sentir libre de toute contrainte avec la marque, comme s’il était un peu chez lui.
Georges-Édouard Dias : L’hospitalité est un cercle vertueux car en faisant des consommateurs des ambassadeurs, elle les met au cœur de la marque dont ils deviennent naturellement les meilleurs experts. Dans un monde où l’on a appris à se référer avant tout à l’avis de ses pairs, c’est un puissant moteur de la fidélité et du recrutement. Voilà la marque équipée d’une troupe de clients fidèles prêts à la vanter, à la défendre, à témoigner pour elle, à contribuer à améliorer son offre, et qui se rémunèrent de la seule considération dont la marque fait preuve à leur égard. Il est temps pour les marques de prendre conscience des revenus que ces clients génèrent et de les récompenser en partageant avec eux les dividendes de leur loyauté : leur donner des interlocuteurs privilégiés, les inviter aux avant-premières, distinguer leur statut d’ambassadeur dans le programme de fidélité et les récompenser davantage pour leur participation que pour leurs achats. Un gros consommateur n’est pas toujours un grand ambassadeur : le « moteur d’hospitalité » sait valoriser chaque client à hauteur de sa contribution directe et indirecte au business de l’entreprise et comprend que « récompense » ne rime pas obligatoirement avec bon de réduction ou produit gratuit, mais plutôt avec « supplément d’humanité ». Les marchés sont des conversations, la relation crée de la valeur car elle permet le troc et l’échange de talents, les talents sont eux-mêmes un étalon monétaire universel dont le cours est plus solide que celui de n’importe quelle monnaie... Les entreprises vont enfin pouvoir émettre leur propre monnaie d’échange en minant les talents de leurs consommateurs au travers d’un « nouveau contrat relationnel » sécurisé par une blockchain communautaire.
Georges-Édouard Dias : Le "Chief Hospitality Officer" (CHO) est celui qui a, au sein du comité exécutif de la marque, la responsabilité d’être le représentant du consommateur. Son rôle est essentiel dans l’écoute, la compréhension des attentes, la connaissance du secteur et des concurrents, le suivi de la communauté des ambassadeurs ; il doit valider les produits et les services, organiser leur communication et leur diffusion en interne, particulièrement vis-à-vis des « équipiers » en contact avec les clients, puis en externe vis à vis des influenceurs, qu’ils soient journalistes, blogueurs ou ambassadeurs. Il allie le métier de chef de réception à celui de chef concierge et combine une expertise marketing et produit acquise dans un master de management à un véritable « esprit de service » éduqué dans les meilleures écoles hôtelières. Sa performance est mesurée chaque mois par la publication du « Quotient d’Hospitalité de la Marque » (Brand Hospitality Quotient), qui renseigne les investisseurs sur la pérennité financière du business et permet de se mesurer à ses pairs dans les entreprises concurrentes.
Georges-Édouard Dias : Paradoxalement, ce ne sont pas les entreprises qui opèrent dans le monde de l’hospitalité ou, plus largement, dans le tourisme qui font le plus preuve d’hospitalité vis-à-vis de leurs clients. Elles confondent en effet souvent le métier avec l’attitude, faite non seulement de « savoir-faire » (justement, le métier), mais aussi de « savoir-être » et de « savoir-vivre ». Bien sûr, elles se sont équipées d’un « directeur de la culture client » qui va diffuser des « signatures de services » au sein de tous les départements de l’entreprise, mais qui n’a que peu d’impact financier sur l’entreprise, faute de mesure établie de la performance clients. Dans les métiers de l’hospitalité, on regarde toujours le chiffre dégagé par les produits vendus (par exemple, le nombre de nuitées) au lieu de suivre la contribution dégagée par les clients...
En fait, le monde de l’hospitalité dans l’entreprise va se développer d’abord dans les secteurs qui n’ont pas d’inventaire à vendre – qu’il s’agisse de produits ou de services périssables, comme des places d’avion –, et qui conçoivent leur offre à la volée en fonction de la demande client. Par exemple, les banques privées, l’hyper luxe, mais aussi, demain, le food market, où les producteurs devront servir les consommateurs plutôt que de chasser les subventions européennes... avec probablement des conséquences importantes pour les intermédiaires, qui risquent de disparaître s’ils ne trouvent pas leur rôle dans la chaîne de valeur. Pour jouer correctement ce rôle de curation, nos distributeurs seraient bien avisés de s’équiper d’un "Chief Hospitality Officer".
© Dunod Éditeur, mai 2018.
Mots-clés : blockchain (1), création de valeur (2), data management (3), fidélisation (7), marketing relationnel (7), marque (26), relation client (7), réseaux sociaux (13)
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Smart data : au-delà du diplôme, il faut chasser les "intérêts adjacents"
« Au-delà du diplôme, il faut chasser les "intérêts adjacents" : un diplômé de Télécom passionné de photographie, un MBA de l’INSEAD qui serait passé par l’École nationale des chartes. En effet, ce qui fait la valeur du candidat dans le métier du data, c’est la diversité de son expérience. C’est l’intelligence de son patchwork intellectuel. Cela ne passera jamais par une seule école, voire un seul pays. »
Georges-Edouard Dias, Quantstreams.
Et vous, comment dénichez-vous vos plus beaux trophées ?